A force de faire des courses, on finit par banaliser un peu la distance. Il y a dix ou quinze ans, quand je courais un 50 kms, c’était mon objectif de l’année, et j’organisais les autres courses (des 10 ou 20 kms) autour.
Aujourd’hui mon objectif de l’année se situe aux alentours de 100/120 kms, j’espère 170 kms pour 2020 si cette fois-ci on a la chance d’être tirés au sort pour l’UTMB, et donc les courses pour préparer cet objectif sont des courses de 50 kms, voire 100 kms mais avec un peu moins de dénivelé que les courses de l’UTMB.
Dans deux jours, on prend le départ de l’Xtrail de Corrèze, 103 kms, 4200 mètres de dénivelé.
Des mois que je m’entrainais pour ce 110 kms très exigeant qui devait être ma course de l’année. Des mois que je l’attendais avec impatience. C’était sans compter un lumbago qui m’a terrassée la veille de la course. 4 jours après je suis encore pliée en deux, too bad, mais là il n’y avait vraiment rien à faire.
Mais j’ai quand même participé à la course, en mode assistance de mon mari Brice. En compagnie d’Alain qui devait faire notre assistance à tous les 2 ainsi qu’à 3 autres de ses amis. Alain, en plus d’être un traileur hyper aguerri, est un pro de l’assistance, je n’ai pas eu grand chose à faire, sauf à assurer le soutien moral de Brice.
Je dois quand même avouer avant de raconter le récit de ces 29 heures en backstage de la course, que j’ai quand même un peu honte. Etant donné que j’étais vraiment pliée en 2, j’ai reçu plus de marques de compassion que les coureurs, alors qu’ils en ont tellement bavé les pauvres.
Cette course est définitivement la plus difficile que je connaisse (j’ai fait le 90 kms de l’UTCAMl’année passée), 40% d’abandons cette année quand même sur le 110km, c’est énorme.
Et Brice a fini, et très bien fini, énormes félicitations à lui, il a fait une course magnifique, de bout en bout, sans flancher.
Une fois passée l’énormissime déception de ne pas pouvoir participer à cette magnifique aventure, je dois dire que j’ai beaucoup apprécié les 2 jours passés à suivre la course en compagnie d’Alain, et de Solenn et Hervé qui faisait l’assistance de Franck. Et c’est fatiguant de faire l’assistance, les familles et amis qui le font régulièrement ont énormément de mérite.
Alors merci Alain, tu n’étais pas obligé de le faire, et tu l’as fait avec une générosité magnifique, Aziza avait concocté du riz au lait, un carotcake que Brice a adoré ! Vous êtes tellement gentils tous les 2, ça nous a énormément touchés.
Et c’est important d’être 2 dans ces cas là, parce que c’est long 29 heures, qu’il y a beaucoup de trajets entre les ravitos, qu’il faut passer la nuit à attendre, des heures à attendre aux différents PC course, bref, il faut passer le temps ! Et papoter pour passer le temps, c’est tellement sympa !
Maintenant le récit de la course.
Le départ à lieu sur le haut de Nice, à Falicon. Pour Alain et moi, c’est direction Levens, base de vie située au km 30.
Premières hécatombes ! Il fait 30 degrés au départ, et le départ se fait très vite, les barrières horaires sont serrées, il ne faut pas trainer, et je pense que beaucoup de coureurs sont partis trop vite. A Levens, les mines sont défaites et les coureurs bien entamés, on est au 30ème kilomètre, la moitié part pour 150 kms !! l’autre moitié dont Brice fait partie pour 110 ! Il fait chaud, tellement chaud et la descente sur Levens, je m’en souviens très bien, j’étais tombée 3 fois, est juste terriblement difficile.
Julien et Franck, les deux amis d’Alain arrivent. Franck est fatigué mais c’est un excellent coureur, on sent qu’il ne va rien lâcher ! Julien a l’air bien.
On voit également Yohan un ami de Brice engagé sur le 150 !
Je vais rejoindre Brice un peu avant le ravito et je fais quelques mètres avec lui. Il est minuit. Comme d’habitude il a l’air plutôt bien, il mange, boit se repose un peu et repart.
Ceux qui ont l’habitude de faire l’assistance sont des vrais pros, je regarde fascinée ce petit monde que je découvre. Les « ravitailleurs » ont des caisses avec l’intégralité et même bien plus de ce que les coureurs ont besoin. Tout est prêt à l’avance quand le coureur arrive. Le but étant d’anticiper les besoins du coureur.
Alain avait absolument tout prévu, jusqu’à la crème solaire, et l’huile de massage.
Comme d’habitude il y a très peu de femmes, mais elles m’ont toutes impressionnée. Je dois dire que les femmes qui ont survécu à cette course étaient toutes dans une forme qui forçait l’admiration ! Je ne suis pas certaine qu’il y en ait plus de 15 à l’arrivée !
On lève le camp et direction Utelle, joli village provençal dont on ne verra rien puisque l’arrivée de Brice est prévu vers 4 h du matin.
C’est à ce moment là que je vais dormir un peu dans la voiture. Alain le pauvre ne fermera pas beaucoup les yeux puisqu’il assure le ravito de ces autres amis.
UTCAM – Utelle
A Utelle Brice est fatigué mais toujours solide. Il est 4h15 du matin, ça fait déjà plus de 10 heures qu’il court.
Il repart et avec Alain, nous repartons pour Roquebillière, où Brice est prévu entre 11h et 12h, kilomètres 72. C’est là où l’attente va être la plus longue, il fait encore nuit, on est dans un gymnase.
Au petit matin, on va prendre le petit déjeuner sur la place du village, super petit déjeuner !
J’en profite pour contempler au loin la terrible descente de Roquebillière qui m’avait tellement fait souffrir l’année dernière.
UTCAM – Roquebillière
La chaleur commence déjà a être forte, il n’est que 8h du matin, la journée va être difficile pour les coureurs.
Quand Brice arrive il est livide, il arrive quand même à manger, ce qui est plutôt bon signe. Je vais lui chercher à manger pendant qu’Alain s’occupe de lui recharger son eau et de lui préparer ce dont il a besoin pour la suite de la course. Au menu, pâtes, charcuterie, riz au lait, carotcake, ça creuse la course !
Ravitaillement Roquebillière
Il repart 40 mn après. Je pense que cette pause lui a fait du bien.
Direction ensuite le Relais des Merveilles, aucun endroit je pense ne mérite autant ce nom. La vallée de la Gordolasque est le plus bel endroit que je n’ai jamais vu. Le genre d’endroit qui te fait dire que finalement ce n’est pas la peine d’aller au bout du monde pour voir des merveilles 🙂
Autant j’ai trouvé les heures passées à Roquebillière pesantes, autant là je me dis qu’on va être bien.
UTCAM la vallée de la Gordolasque
Avec Solenn, Hervé et Alain, on se paie le luxe d’un super déjeuner sur la terrasse du gite au soleil, magique. On discute, on rigole, super moments !
UTCAM – ravito du Relais des Merveilles
Le temps va passer vite… enfin pour nous, pour les coureurs c’est une autre histoire, l’hécatombe continue. Quand ils arrivent ils sont défaits, déconfits, assoiffés. Ça me fait drôle de voir la course sous cet angle.
Au bout d’un moment, je pars à la rencontre de Brice. Je marche très lentement, toujours pliée en 2, je me dis qu’il ne faut surtout pas que j’aille trop loin parce que sinon je vais le ralentir pour revenir au ravito 🙂 Alors je me pose sur un rocher et je discute avec les gens qui se promènent.
UTCAM
Je n’ai qu’un regret, j’ai été terriblement stupide et je n’ai pas pris d’eau… Quand une coureuse arrive assoiffée et me demande de l’eau, je m’en veux terriblement, j’arrive à la convaincre qu’elle n’a plus que quelques mètres à faire avant d’arriver au ravito, mais la pauvre…
Brice arrive, il a l’air à peu près bien mais terriblement fatigué, il est 16h15, ça fait 22 heures que la course a commencé, et il reste encore 20 kms. Et une dernière ascension de plus de 1000 mètres. La particularité de cette course, outre son terrain très compliqué, est que les ascensions les plus difficiles sont à la fin.
UTCAM arrivée au relais des Merveilles
Il va s’allonger, je lui fais un massage des jambes et il s’endort. Il ne dormira pas longtemps, à peine 10 mn mais je pense que ça lui fait du bien.
Direction la dernière étape, Saint Martin de La Vésubie. Ça fait 24 heures que nous sommes partis.
Il y a beaucoup d’animations dans la ville, c’est très sympa, notre quatuor se pose au bar, pour un petit panaché bien mérité :-), accompagnés de quelques gâteaux locaux, dont la célèbre tourte aux blettes que je vais gouter pour la première fois !
On assiste au départ et à l’arrivée du 15 kilomètres. Les coureurs du 15 et ceux du 110 ou du 150 passent au même endroit, mon dieu la différence de rythme, pas la peine de regarder les dossards pour savoir qui fait quoi !
L’arrivée est difficile, on franchit une première arche… mais il faut continuer ce n’est pas l’arrivée, encore 500 mètres ! Les coureurs du 150 passent là, sauf qu’il leur reste encore 40 kms à faire !! Quel mental il faut avoir à ce moment là !!
On assiste à l’arrivée de Julien et Franck, les deux coureurs que suit Alain, et on va diner dans un très bon restau de la ville en attendant Brice qui franchira tellement brillamment la ligne d’arrivée à 23h.
Pour conclure, merci Alain, ce n’était pas prévu, mais j’ai été ravie de passer tout ce temps avec toi, et merci pour tout ce que tu as fait.
J’ai été ravi de partager tous ces bons moments avec Solenn et Hervé, bravo à Julien et Franck qui ont fait une course magnifique.
et Bravo, bravo, bravo Brice, je ne le répèterai jamais assez, tu m’as impressionnée !! Parti à la 145ème place, arrivé à la 72ème, un roc du début à la fin, là où des coureurs bien plus aguerris ont plié sous la chaleur, la fatigue, les difficultés terribles de cette course, toi tu as franchi la ligne !
Quant à moi, à l’heure où j’écris ces quelques lignes je ne suis toujours pas redressée, autant dire que quand je vais m’y remettre, je serai gonflée à bloc pour notre future aventure !
Après avoir fait 3 fois le 47 kms, nous nous élançons cette fois ci sur l’UTBA, l’ultra trail des Balcons d’Azurle 80 kms, 3500 mètres de dénivelé.
L’étude du parcours et des barrières me met une nouvelle fois un bon coup de pression, 15 heures pour faire les 80 kms, sur le papier ça ne me parait pas forcément hyper accessible.
Il m’a fallu du temps pour digérer la déception de ne pas pouvoir participer à l’UTMB. J’avais très peu de chance d’être tirée au sort, mais en éternelle optimiste je me projetais déjà dans l’aventure.
Si j’aime tant le sport, ce n’est pas uniquement parce que j’aime le vert et le dénivelé, c’est aussi parce que c’est une belle leçon de vie, et que ce que l’on vit à travers le sport, on peut généralement l’appliquer au quotidien.
2000 mètres de D+ pour 28 kms j’aurais dû me douter que ça allait piquer fort. Depuis quelques temps je suis hyper positive à chaque fois que je raconte une course, c’est un peu Heidi au pays des Montagnes. Alors aujourd’hui ça va changer !