Nous avons débuté le triathlon avec Brice il y a trois ans. Nous avons quitté le sud, pour déménager dans le sud-ouest, le plat pays. Difficile de s’entrainer pour des courses en montagne quand le seul dénivelé à des kilomètres à la ronde se résume à un escalier d’une trentaine de mètres (plutôt 25).
Le triathlon a été l’occasion de se renouveler un peu, de tenter quelque chose de nouveau, on savait courir, on avait fait un peu de VTT, je savais nager (Brice un peu moins), on s’est dit, pourquoi pas le triathlon.
Jusqu’à présent j’avais des sentiments ambivalents vis à vis de ce sport. J’adore nager, j’adore courir, j’apprends à aimer pédaler (ce ne sera jamais mon sport préféré), et pourtant…
Je pense qu’il y a trop de choses stressantes pour moi dans ce sport. Déjà la compétition est hyper présente. Alors bien sûr la compétition est présente dans tous les sports, mais en trail, elle l’est beaucoup moins qu’en triathlon où il y a zéro entraide, zéro perte de temps à papoter avec la concurrence.
C’est un sport malgré tout très urbain, elles sont très loin mes chères montagnes, les paysages sauvages que j’affectionne tant. On roule sur la route, et on court en tournant en boucle, toujours sur la route. Il faut aimer le gris, il faut adorer le bitume !
Et enfin c’est un sport où l’argent a sa petite importance…. en vélo ce n’est pas forcément le meilleur qui gagne, c’est avant tout celui qui a le vélo le plus performant (j’exagère exprès, bien sûr il faut aussi du talent), et les différences de performance en fonction du vélo peuvent être colossales.
Mais bon, j’y trouve mon compte quand même, on est inscrits dans un club très sympa, alors je continue. Il y a un an après le half de Nice, Brice s’est mis en tête de nous inscrire à un Ironman, et pas n’importe lequel, celui de Nice, qui n’est pas le plus facile.
Alors on va être honnête, déjà que l’entrainement pour un half ne me passionne pas plus que ça (pédaler vite, courir vite, faire du fractionné, tout ça sur du plat, nager vite, pfffffff….), je me voyais mal doubler, voire tripler les distances.
Mais bon, j’ai cédé, je me suis inscrite, c’était en juillet 2023. L’ironman de Nice ayant lieu fin juin 2024.
Entre novembre 2023 et février 2024 je n’ai quasiment pas pédalé, il n’a fait que pleuvoir à Bordeaux. En février mon hernie discale s’est réveillée, impossible de faire quoi que ce soit, j’ai dû me résoudre à faire des infiltrations, coup d’arrêt pour l’entrainement qui avait à peine débuté.
S’en est suivie une pneumonie qui m’a laissé KO pendant 3 semaines, et nous voilà arrivés quasiment en avril.
En mode panique. Il me reste 2,5 mois pour préparer la course.
3,8 kms de natation
170 kms de vélo et 2500 mètres de dénivelé
42 kms de course à pied.
J’ai très vite décidé de laisser tomber la natation, cela fait des années que je nage, je suis satisfaite de mes chronos, je ne suis pas une nageuse hyper rapide, mais comme en trail je suis une nageuse endurante, et je sais que je peux nager 4 kms sans trop de me fatiguer, et dans un laps de temps raisonnable.
Je décide de me concentrer sur le vélo et aussi sur la transition vélo course. Je me suis rendue compte que j’étais une très mauvaise coureuse de triathlon, incapable d’enchainer la course après le vélo.
Alors j’ai rajouté une séance de vélo dans la semaine (et parfois même une troisième séance de Swift), suivie d’une séance de course, j’ai suivi avec assiduité les séances de vélo du club du dimanche matin, et bien sur j’ai continué à courir.
Ma plus longue distance à vélo ? 118 kms… sur du plat. Et un seul vrai entrainement en dénivelé, et deux half celui de Lacanau et celui de Carcans.
Quand tu as l’impression d’avoir la poisse….. mais que tu t’accroches
La semaine avant l’Ironman je me suis cassée un orteil. Alors à ce stade, j’ai décidé de ne pas passer de radio (j’ai passé la radio après l’Ironman, quand mon pied avait doublé de volume), je suis restée dans le déni, en me disant que dans le pire des cas je ferai la natation, le vélo et la course peut-être. Après tout il n’était peut-être pas cassé, même si j’avais du mal à marcher.
2 jours avant mon départ pour Nice, on s’est rendu compte par hasard avec Brice que la batterie de mon vélo se vidait toute seule, avec pour conséquence de ne plus pouvoir passer les vitesses. Je l’ai amené en catastrophe au magasin dans lequel je l’avais acheté, ils l’ont changée, mais comment être sure que ça allait tenir ?
A ce stade là, c’était la panique ! Le pied, le vélo, le suite c’est quoi ? J’avais vraiment la poisse.
J’essaie malgré tout de positiver, je déteste quand l’angoisse prend le pas sur tout le reste. J’ai toujours fait du sport par plaisir et uniquement par plaisir, et là je suis dévorée par le stress.
Le jour J
Et me voilà en combi ce samedi 16 juin, je suis contente, c’est enfin le jour J. Et bizarrement e suis contente parce que je vais enfin cesser de m’angoisser pour cette course. Et qui sait, je vais peut-être avoir une bonne surprise ?
Ah oui !! J’ai oublié de préciser une chose importante !! Brice mon mari, celui qui nous a inscrits, ne fait pas l’ironman, il s’est fracturé l’omoplate deux semaines plus tôt, accident de vélo. C’est dur pour lui !!
Bizarrement, je n’angoisse plus. Il est trop tard désormais pour stresser, je suis sur la ligne de départ. J’ai mis mon bonnet « I Will become one », c’est le bonnet que l’organisation donne à ceux qui font leur premier Ironman. Je me dis qu’il va me porter chance !
3,8 kms de natation
Je me mets dans le sas 1h25, et j’attends le départ, qui arrive assez vite. Il n’y a pas de tapis pour rentrer dans l’eau. Dès le premier pas sur les galets je sens une douleur fulgurante dans le pied, et je me dis que si mon orteil n’était pas cassé jusqu’à présent, maintenant il l’est. Mais c’est trop tard.
Je vais me prendre des coups partout, et beaucoup sur le pied. Les nageurs ne font pas dans la dentelle, ils te grimpent littéralement dessus quand il n’y a pas de place entre 2 pour passer. Au bout d’un moment je vais être honnête dès que l’on me touchait le pied je donnais un énorme coup de jambe, je pense que certains ont failli être assommés, mais j’en avais ras le bol de me faire tabasser comme ça.
Et voilà, c’est fini, j’arrête de râler, il était temps.
J’arrête de râler parce que contre toute attente je vais aimer cette natation, j’ai toujours aimé nager. Nager m’a toujours procuré un sentiment de plénitude. Au bout d’un moment je me sens bien dans l’eau, je ne sais pas si j’avance vite ou pas, mais je suis bien.
On fait un U en direction du large, on longe la plage et on refait un U, sans sortir de l’eau. Je n’ai aucune idée du temps que j’ai mis, mais ces 3,8 kms passent comme dans un rêve. la houle m’émpêche de sortir de l’eau, des bras m’attrapent (merci les bénévoles) et me tire sur la plage. Et tout à coup j’entends Brice me crier « bravo 1h22 c’est un super chrono ». Et là je n’en reviens pas, j’avais tablé sur 1H30 ou 1H40, 1h22 c’est inespéré et je ne suis pas fatiguée. Je suis même en très bonne forme.
Ma course commence là, je suis contente, je ne peux pas marcher, mais je suis contente, je me dis que mon pied a 170 kms pour se reposer et que tout se passera bien.
Je PO-SI-TI-VE enfin !!!
Je vais prendre 15 mn à faire la transition, c’est énooooooorme, mais je n’ai pas le bon matériel. La trifonction du club n’est pas du tout faite pour les longues distances. J’ai donc fait le choix d’être en culotte et en soutien gorge sous la combi, et maintenant je dois me changer, mettre un short de vélo et un tee shirt, je dois aussi manger et penser à tout (A Lacanau, j’ai oublié mes lunettes de vélo !). Sachant que je ne peux pas courir. Je perds un temps fou.
170 kms de vélo et 2500 mètres de D+
C’est pas grave, je prends mon vélo et je pars de façon positive, je sais que les paysages vont être fabuleux, je suis chez moi (enfin dans mon ancien chez moi), je vais en prendre plein la vue, et au moins je verrai si je suis capable de pédaler pendant plus de 8h.
Le début de vélo n’est pas difficile, on part en direction de Saint Laurent du Var, succession de plats avec des petites montée, une quarantaine de kilomètres comme ça, il y a une côte très raide mais pas très longue au début. On passe par Tourrette sur Loup.
Puis on attaque le col de l’Ecre, la grosse difficulté du parcours, là où se concentre la quasi intégralité du dénivelé. Je dirais à peu près 25 kms de côte. C’est long, très long mais ça passe. J’aime bien ces montées interminables mais progressives, pas de passages trop raides. Je profite du paysage, je bois beaucoup parce qu’on est au soleil, c’est le moment le plus chaud de la course. Les paysages sont vraiment grandioses. Après ce col on a une quarantaine de kilomètres d’alternance plat et montées, on passe à Gréolières, j’ai froid dans les descentes ! Et on arrive à la dernière montée, celle du col de Coursegoules, mais franchement c’est une montée qui passe bien, pas cassante, même si à ce stade du parcours la fatigue se fait sentir. Je me dis que si je ne suis pas fatiguée c’est que j’aurais peut-être dû appuyer un peu plus fort sur les pédales 🙂 Tout le parcours vélo est très bien balisés, les endroits dangereux bien indiqués. Malgré tout je vois souvent le camion des pompiers.
Arrivé au kilomètres 130 il ne reste plus que de la descente (et 15 kms de plat quand même). Contre toute attente cette descente que j’appréhendais tellement, se passe bien. Je n’ai pas peur, beaucoup moins que sur le half l’année passée.
En fait quasiment tout le vélo va bien se passer. Ce vélo qui a été source de doute et d’angoisses pendant toute ma préparation !!
En revanche j’ai très mal au pied. Mon pied a terriblement enflé dans la chaussure. Je ne m’arrête plus aux ravitos parce que j’ai peur de poser le pied par terre. J’ai suffisamment à manger et à boire alors je continue.
Jje suis vraiment hyper contente du vélo, je n’ai pas eu mal au dos (très mal aux fesses mais bon !) et j’ai réussi à aller au bout.
42 kms de course à pied
J’essaie de ne pas penser à mes problèmes de pied, je desserre à mort mes lacets pour que mon pied rentre dans la chaussure ! Et je ne sais pas si c’est l’adrénaline ou quoi d’autre mais miracle, je cours !! Et je ne penserai plus à mon pied pendant 42 kms. (incroyable quand même surtout que les jours suivants je ne pourrai plus le poser par terre).
A ce moment là, je sais avec une quasi certitude que rien ne n’empêchera de finir. Je suis dans un état d’euphorie totale, limite je cours en souriant !
Ma stratégie de course ? Je ne pars pas pour un marathon, je pars pour 8 segments de 5 kilomètres, la moitié de la boucle. La boucle en fait fait un peu plus de 10 kms puisqu’on doit faire 42 kms. J’essaie de courir sur la quasi intégralité des 10 premiers. J’y arrive plus ou moins. Et c’est la première fois que j’arrive à courir aussi bien après le vélo, j’ai vraiment dû être sur la réserve en vélo 🙂
Sur le parcours, Brice, Lucie et Alexandre sont là, ça me fait du bien de les voir.
Le deuxième 10 kms est un peu plus poussif, mais ça passe encore. Je vois souvent Elena, son amie Justine, et Jade sur le trajet, elles m’encouragent sur des portions de prom. Voir mes filles durant ces 42 kms, Brice Lucie et Alex, m’a fait un bien fou.
A partir du semi, je ne peux plus m’alimenter (mes sempiternels problèmes gastriques) mais j’évite d’y penser. J’ai la nausée, je vomis, j’essaie de boire de l’eau mais même ça, ça ne passe plus.
Honnêtement c’est dur, mais c’est pas grave, à ce stade rien n’est grave. La dernière boucle a quand même sa part de magie, c’est la fin, j’ai limite envie de ralentir encore pour faire durer le plaisir, il y a encore un monde fou sur la ligne d’arrivée, jusqu’à ces quelques mots « you are an Ironman ».
Sur le moment j’ai envie de pleurer.
Il ne me manquait juste ça pour aimer ce sport je pense. Une vraie épreuve d’endurance comme je les aime tant. J’avais dit j’en fait un et après c’est fini, mais ce n’est que le début en fait.
Je ne pensais pas pouvoir dire ça, mais j’ai adoré cet Ironman et j’ai vraiment hâte de recommencer !