Préparer un trail de plus de 100 kms

La tentation de s’inscrire à la TDS (123 Kms, 7000 D+) est venue peu de temps après avoir franchi la ligne d’arrivée de la CCC en 2017, elle est venue de Brice, mon mari. Moi à ce moment là j’en étais encore à me dire « plus jamais ». La tentation de m’inscrire à l’UTMB est venue 1 seconde après avoir franchi la ligne d’arrivée de la TDS.

Nous avions Brice et moi bouclé la CCC en 2017 sans difficulté majeure (ce qui ne veut pas dire que ça a été facile, mais pas de gros bobos musculaires ou autre), néanmoins nous savions bien que la la marche à franchir pour arriver finisher de la TDS était vraiment haute.

Un jour une amie m’a dit spontanément sans aucune arrière pensée « finalement tu ne t’entraines pas beaucoup par rapport aux distances que tu fais en course ». Cette remarque m’a longtemps fait cogiter. A l’époque (il y a 3 ou 4 ans), je faisais 2 ou 3 sorties dans la semaine d’à peine une heure et une sortie de 2 heures le week end, quand je préparais une course. J’arrivais à boucler des trails de 50 kms, mais parfois il faut bien avouer que la fin des courses se faisait un peu dans la souffrance.

Je ne suis pas adepte des programmes de préparation aux courses que l’on trouve partout sur le net ou dans les magazines. Si je cours c’est que j’aime être dehors, que j’adore la nature et particulièrement les paysages vallonnés ou montagneux, et que j’aime faire du sport. Tout ce qui peut entraver cette sensation de liberté et de bien être me dérange. Si je dois aller courir en me disant « allez aujourd’hui, c’est 5 x 1 mn à fond à X% de ma VMA suivi de x temps de récupération »…. disons que ça va peut-être fonctionner pendant une semaine… et encore… pas certaine.

Je ne dis pas que ces plans ne fonctionnent pas, ils fonctionnent certainement très bien. Je dis juste que je n’arrive pas à associer la notion de plaisir de faire du sport à ces contraintes d’entrainement, sur du long terme. Ça fait à peu près 30 ans que je cours sans blessure (quelques entorses quand même), ça fait à peu près 30 ans que j’ai toujours le même plaisir à chausser mes baskets pour aller courir. Et quand je n’ai pas de plaisir à les chausser, et bien je ne le fais pas.

Xavier qui a couru l’OCC la semaine où nous courions la TDS avec Brice, m’a dit en commentaire de mon article « je sais que que tu as souffert même si tu ne le dis pas ». Là aussi ça m’a fait réfléchir. Est-ce que j’ai souffert ? Vraiment souffert ? Franchement ? Je ne pense pas avoir beaucoup souffert. J’ai eu durant la nuit des moments difficiles, j’en parle dans mon compte rendu. J’ai un problème que je n’arrive pas à résoudre, au bout de 7 ou 8 heures de course, j’ai froid, terriblement froid, comme si le sang s’évacuait d’un coup de mon corps. Cette sensation est difficile à surmonter (sans exagérer comme diraient les spécialistes météo la température ressentie à ce moment là est largement en dessous de zéro, un peu comme si j’étais en tee shirt sous une tempête de neige), je tremble je suis glacée. Maintenant j’ai l’habitude, je sais que ça va arriver, je sais que rien n’y fait, il faut que j’attende que ça passe, et ça finit par passer au bout d’une heure ou deux. J’ai eu des coups au moral la nuit surtout, mais à aucun moment durant les 31 heures, je me suis sentie vraiment mal, à aucun moment durant ces 31 heures j’ai regretté d’être là.

Je suis toujours surprise de voir certains coureurs durant les courses, bien meilleurs que moi, à l’agonie au bord du chemin, sans blessure apparente.

Souvent on entend des remarques du type « mes jambes ne répondent pas bien aujourd’hui, ça ne va pas le faire, je vais arrêter au prochain ravito ». Je l’ai entendu souvent durant la TDS. Mais les jambes répondent à quoi ? à qui ? Moi aussi de temps en temps mes jambes m’abandonnent. Moi aussi parfois j’ai envie d’abandonner. Et à chaque fois je me dis « alors c’est comme ça, une petite difficulté et tu baisses les bras ? ».

Ca va paraitre stupide parce que mes enfants sont grands, mais ce n’est pas l’image que j’ai envie de leur donner, ce n’est pas l’éducation que j’ai essayé de leur donner, et durant la TDS quand j’ai eu des moments de doute, j’ai pensé à ma fille qui était en cours pour sa première année de médecine, et qui va connaitre durant l’année des moments très difficiles. Et j’ai pensé à ce que je n’arrête pas de dire à mes enfants, donne toi les moyens d’y arriver, donne toi aussi le droit d’avoir des moments de faiblesse, mais n’abandonne pas, va au bout du contrat, peu importe le résultat à l’arrivée.

Et j’ai toujours dans ces moments là une petite voix dans la tête qui me dit « arrête de pleurnicher, arrête de t’apitoyer sur ton sort, tu pars pour 120 kms c’est normal que ce soit difficile, personne ne t’a dit que ça allait être facile, alors avance ! »

Je ne voudrais pas passer pour quelqu’un de masochiste, mais il me parait normal d’intégrer le fait que ça va être difficile, très difficile même. Je pense que c’est cette « petite notion » qui fait toute la différence. J’ai mis du temps à le comprendre. Et je pense que cela m’aide bien au delà du sport.

Ce qui fait sans doute la différence aussi, et encore une fois sans porter de jugement, c’est l’objectif que l’on se donne durant la course. Sur des courses très longues je veux juste me faire plaisir, je ne suis en compétition avec personne, je me fiche d’être la première ou la dernière,  je ne me fiche pas complètement du chrono, mais je n’envisage pas un 100 kms comme un 20. Je suis contente de faire un podium de temps en temps sur des courses plus courtes. C’est certain que sur un ultra ce ne sera pas le fil conducteur de ma course. Le podium dont je suis le plus fière ? Celui du 90 kms du Mercantour, 2ème V2 sur 2, dernière donc. Mais on était 6 au départ, seulement 2 à l’arrivée. Il n’y a pas de quoi avoir honte.

Si les jambes ne répondent pas pour faire un trail en 4h, peut-être répondront-elles pour le faire en 5h ? Je n’ai pas toujours réagi comme ça, mais une fois la pression du chrono évacuée, on profite du temps présent, et j’aime fondamentalement la montagne, je m’extasie sur chaque paysage, souvent je m’arrête de courir et je me dis « quelle chance tu as d’être là ».

 

Je pense que malheureusement beaucoup de personnes qui ratent une course le font parce qu’elles se rendent compte à un moment donné qu’elles ne feront pas le chrono escompté, d’où la sensation de jambes qui ne répondent pas bien, en fait si les jambes ne répondent pas, c’est que la tête ne leur transmet pas les bons messages.

Le mental est vraiment capital, c’est compliqué de se motiver quand on estime qu’on est dans les choux dès les premiers 10 kms. Mais dans les choux par rapport à quoi ? A qui ?Si on est un coureur très performant et que l’on peut boucler la TDS en 25 heures (j’ai mis 31 h), c’est déprimant de voir qu’on ne passera pas sous la barre des 30 h, la tentation de jeter l’éponge est vraiment très forte, même si personne ne l’avouera jamais !

A un moment donné et surtout sur les ultra, si l’on n’arrive pas à dépasser ce sentiment d’échec lié à un chrono moins bon que celui escompté, ça peut devenir compliqué. Il y a une solution très simple pour ne pas se mettre la pression avec le chrono, c’est de ne pas faire toujours les mêmes trails, aucune comparaison possible.

Si notre TDS s’est si bien passée pour Brice et moi, c’est que au départ on était intimement persuadé de ne pas y arriver ! On a passé des heures à préparer notre course en faisant une fixation sur la première barrière horaire qu’on trouvait horriblement difficile ! Et quand durant la course on s’est rendu compte qu’on passait large, et qu’on arrivait à Bourg Saint Maurice au 50ème km avec presque 2 heures d’avance, on a eu des ailes pour l’ascension suivante. On a eu des ailes jusqu’à l’arrivée en fait ! Les freins ne sont que dans la tête, si seulement on arrivait à s’en affranchir à chaque fois. Si seulement on arrivait à s’affranchir de toutes les pressions de performance que l’on s’inflige au quotidien, pour juste profiter du plaisir de faire les choses, pas forcément les faire au mieux, surtout pas les faire mieux que son voisin ou plus rapidement, mais juste arriver à les faire de la façon qui nous fait plaisir.

Et si on revenait à l’entrainement pour ce genre de course ?

La première chose à faire je pense est de planifier un programme de courses durant les mois qui précèdent l’objectif. C’est indispensable, surtout pour les personnes qui s’entrainent seule, mais de manière générale, c’est important.

Notre objectif 2018 était donc la TDS, et notre planning 2018 de courses :

  • dec 2017 : marathon de l’Orchis – 35 kms (je le compte dans 2018 parce que nous nous étions inscrits à cette magnifique course en catastrophe pour que notre fils julien ait suffisamment de points pour s’inscrire à l’OCC, l’une des courses de l’UTMB. il n’aura finalement pas été tiré au sort et a fait la MCC, 40 kms)
  • Avril : 108 kms de l’Aubrac
  • Fin avril : 14 kms trail de Roquefort
  • Fin juin : 90 kms du Mercantour
  • Juillet : 30 kms du trail de Caussols
  • Aout : objectif de l’année 123 kms TDS

Je n’étais pas très confiante dans le fait de faire 3 ultra en 5 mois, sur le papier c’était quand même un peu ambitieux. Finalement, le choix aura été payant. Je me suis sentie de mieux en mieux au fil des courses.

La course qui m’a donné le plus de mal aura été l’Aubrac, sans doute parce que je n’avais pas intégré le fait justement que ça allait être difficile. Il y avait 2 fois moins de dénivelé que sur la TDS, je pensais que ça passerait tout seul, erreur.

J’essaie de faire 4 sortie durant semaine, 3 à coup sur, et une 4ème plus aléatoire durant laquelle je fais un peu de fractionné (fractionné à ma façon, on appelle plutôt ca du fartlek en fait, j’accélère de temps en temps, sur le plat ou dans les côtes). J’essaie de rendre ludique une sortie à la base rébarbative, je ne connais pas beaucoup de coureurs qui aiment faire du fractionné.

Les 3 autres sorties je les fais plutôt à allure lente, en fonction de mes objectifs de course, je fais entre 30 et 40 kms durant la semaine (hors weekend). 2 sorties d’1H30 et une d’1h.

Et le week end, c’est notre grosse sortie. Pour préparer la TDS avec Brice, nous faisions des sorties de 3 ou 4 heures, parfois des randos. Cette sortie est vraiment indispensable, et elle peut facilement être remplacée par une course.

L’objectif pour préparer un ultra est de réussir à augmenter son volume de course sans se « cramer », la seule solution pour cela est de courir lentement, avec un rythme cardiaque le plus bas possible, pour faciliter la récupération, et ne pas s’épuiser durant la sortie. J’ai beaucoup marché dans les côtes durant mes entrainements, et ce n’est pas grave bien au contraire. Ca permet de s’entrainer à marcher de plus en plus vite.

Finalement ce « plan » qui n’en est pas vraiment un et qu’on pensait un peu trop minimaliste avec Brice a été payant.

Je ne le minimise pas, faire entre 50 et 60 kms par semaine, ça prend du temps, parfois on court à 6h du matin l’hiver quand il fait froid, et ce n’est pas au bout d’un mois de course à pied que l’on va pouvoir faire 50 kms par semaine.

Ce ne sera pas suffisant pour l’UTMB, il va falloir rallonger les séances. Ne pas faire plus de séances, mais faire des séances plus longues. L’astuce est de pratiquer un autre sport que la course pour éviter toute monotonie et surtout éviter les blessures liées à la course, le vélo est le meilleur sport pour cela. La natation est très bien aussi.

Il va falloir passer 2 nuits dehors à courir ou marcher, déjà une nuit c’est difficile pour moi, alors 2…. je ne sais pas… c’est un peu effrayant pour l’instant, la difficulté augmente, mais j’ai encore du temps pour y penser.

arrivée TDS

Et ne jamais oublier une chose essentielle, le plaisir avant tout. Que l’on fasse un 5 kms, un 10, un 50 ou un 100. Et, on peut prendre du plaisir durant 31h de course, beaucoup de plaisir.

 

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