TDS

La TDS 2018, enfin, le 3ème ultra de l’année pour Brice mon mari et moi.

La TDS (la Trace des Ducs de Savoie) c’est 121 kms et 7000 mètres de D+, une grosse étape à franchir par rapport à notre dernier ultra l’UTCAM, 90 kms et 6000 mètres D+.

Je commence mon récit en félicitant notre fils, Julien, qui a couru la MCC, 40 kms 2300 mètres de D+. Il a fait une très belle course !

Julien, finisher MCC 40 kms

 

 

2 jours plus tard c’était notre tour avec Brice sur la TDS, nous avons fait la quasi intégralité de la course ensemble, la plupart du temps je parle donc en nos 2 noms mais notre ressenti n’a pas été forcément toujours le même à chaque instant.

La veille de la course, on part chercher les dossards, il y a moins de monde que l’année dernière sur la CCC, on essaie de se détendre en prenant des photos !

retrait des dossards TDS

Cette course m’angoissait énormément, des 3 ultras prévus durant l’année (105 kms de la transaubrac, 90 kms de l’UTCAM), c’était de loin la plus difficile. Classée noire parmi les courses de l’UTMB, elle est réputée pour la technicité de son terrain. Je ne partais pas avec un mental gagnant, et dans ce genre de course, le mental est primordial.

Avec Brice, nous avions décidé d’adopter une nouvelle stratégie de course, dû au fait que les barrières horaires sont très serrées au départ de la course. Tous ceux qui ont déjà couru la TDS nous avaient prévenus, les 51 premiers kms sont « faciles », la course commence au 51ème, à partir de Bourg Saint Maurice, si on arrive fatigués au 51ème, mieux vaut lâcher l’affaire….

Les barrières horaires sont serrées au début pour être certains je pense que les coureurs déjà en difficulté en début de course, abandonnent avant les grosses difficultés. D’où notre décision de faire des pauses très courtes aux ravitos. Le calcul est vite fait, il y a 10 ravitaillements, si on s’arrête ne serait-ce que 5 mn de moins à chaque ravito, on gagne 50 mn, sur le papier c’est bien… Dans les faits on verra plus tard que c’est plus compliqué.

La météo n’ést pas fameuse à Chamonix, la veille de la course on apprend que pour cause de « météo difficile », le parcours est modifié, on ne passera pas par le fameux « passeur de Pralognan », un endroit du parcours où il faut s’accrocher à des cordes pour descendre. J’ai le vertige, j’avoue que cette nouvelle n’est pas pour me déplaire. On aura donc 300 mètres de dénivelé en moins à faire, on passera en dessous des 7000 mètres et en échange on a droit à 4 kms de plus.

En revanche la perspective de passer la nuit sous les orages et sous la pluie ne m’enchante pas beaucoup, mais la météo idéale n’existe pas, alors il faut faire contre mauvaise fortune bon coeur.

Le départ est également retardé de 2 heures (je n’ai toujours pas compris pourquoi), au lieu de partir à 6h du matin et de prendre le bus à 4h30 on partira à 8h00, bus à 6h30. Etant donné que je n’arrive jamais à dormir une veille de course, c’est plutôt une mauvaise nouvelle, mais ce n’est pas comme si on avait le choix.

Et nous voici donc sur la ligne de départ à Courmayeur en Italie, le mercredi matin à 8h00. J’ai bien conscience que je n’ai pas trop une tête de winner… en fait je me demande sans cesse ce que je fais là, je regarde les gens autour de moi, ils sont tous affutés, beaux, sportifs, musclés, oh là là  j’ai beau tout essayer, rien n’y fait, je suis hyper stressée !!

Départ de la TDS

Courmayeur/Lac Combal, 15,3 kms, 1355 D+

Dès les premiers mètres, je me rends compte en fait que je suis en forme, je n’aime pas me fier à ça mais généralement je comprends tout de suite si les jambes vont bien répondre ou pas, et la première montée vers le col Checrouit se passe bien. Brice est devant, mais c’est normal, c’est un bon grimpeur, mais j’arrive à le suivre de loin, ce qui est bon signe. Arrivés au Col, il râle un bon coup parce qu’il y a trop de monde et qu’il n’arrive pas à remplir ses flasques. Brice râle ?? mais il est beaucoup plus stressé que moi en fait, je n’ai pas l’habitude de le voir comme ça 🙂

TDS – vers le lac de Checrouit

On arrive à 11h10 au Lac Combal, dans mes prévisions j’avais noté 11h30. Là j’avoue j’aurais bien fait une petite pause, on vient de faire 1400 mètres de D+, j’ai envie de m’arrêter un peu. Mais Brice me dit « allez allez on repart », cette fois-ci c’est moi qui râle, je n’aime pas qu’on me bouscule, du coup je pose mon sac n’importe où, je le ramasse plein de boue, je manque d’oublier mes bâtons, bref je suis perturbée.

Ravitaillement du Lac Combal

Lac Combal/Col du Petit Saint Bernard, 21 kms, 1120 D+

Je repars mollement et je me dis que la stratégie du 5 mn d’arrêt ne sera peut-être pas payante. Mais ce n’est pas le moment de nous apitoyer sur notre sort, car on repart pour une grosse montée. C’est poussif au début et les bonnes sensations reviennent, on est accompagnés d’un petit vent frais qui fait du bien car il fait chaud, très chaud. Ca y est on est au Col Chavannes et on redescend vers Alpetta. Je ne comprends pas, la descente est hyper roulante, très agréable, et beaucoup marche ! Je rattrape Brice qui a des soucis d’estomac et qui a du mal à courir dans la descente. J’adore cette partie du parcours, j’ai l’impression de voler (la sensation de doubler plein de coureurs me donne des ailes, il faut dire que c’est rare).

Arrivés en bas, on aura droit à une première pluie, assez dense, mais qui ne durera pas très longtemps.

de la pluie toute la nuit ainsi qu’en fin d’après midi

En bas, c’est magnifique, on longe un lac, je m’extasie à chaque seconde. Mais il reste une grosse montée très raide vers le col du petit saint bernard. Je n’arrive pas à monter à mon rythme, j’aurais aimé aller un peu plus vite (c’est bien la première fois que je dis ça !!), mais je me raisonne vite, il reste encore du chemin ! Arrivés en haut, on est accueillis au son des clochettes, il y a une bonne ambiance, j’ai perdu Brice de vue. Je m’arrête quelques minutes pour manger, Brice me dira plus tard qu’il ne s’est pas arrêté. On avait prévu d’y être à 15h35 on arrive à 15h, on a plus d’une heure d’avance sur la barrière horaire, c’est une très bonne nouvelle.

Montée vers le col du Petit Saint Bernard

Col du Petit Saint Bernard/Bourg Saint Maurice, 14,7 kms 315 D+

Une longue descente de 15 kms, très roulante, pareil des gens marchent, j’ai du mal à comprendre leur choix, j’ai tendance à considérer que ces kilomètres de descente facile sont des cadeaux dans une course. Je fais la descente toute seule, je retrouve Brice à Bourg Saint Maurice, il est arrivé 10 mn avant moi. Il va bien, il commence à se détendre car on a de l’avance. On avait prévu d’arriver à Bourg Saint Maurice à 18h20, on arrive à 17h11, avec de très bonnes sensations. C’est notre premier ravito avec assistance, je suis hyper contente de retrouver Jade et Julien nos enfants avec Alain qui fait l’UTMB quelques jours plus tard. Ca fait tellement de bien de se poser un peu de rigoler un peu. Nous restons 20 mn au ravitaillement de Bourg Saint Maurice, c’est un peu plus que prévu mais ça fait du bien. Car il faut attaquer le gros de la course maintenant. Une ascension longue et parfois difficile jusqu’au ravito de Cormet de Roselend. C’est cette fameuse montée que l’on appelle communément « le mur ». La fin du mur sera tronquée pour nous pour cause d’orages.

Ravitaillement de Bourg Saint Maurice

 

Bourg Saint Maurice avec Julien

Bourg Saint Maurice/Cormet de Roselend, 18 kms, 1700 D+

J’essaie de ne pas penser aux difficultés à venir, physiquement je n’ai mal nulle part, pas d’ampoules, pas de gênes musculaires, les genoux parfaits, tout va bien. Je m’en tiens à mon principe habituel, si physiquement tout va bien, alors psychologiquement je dois réussir à gérer. Il ne pleut pas encore, je garde ma tenue temps chaud car pour l’instant il fait vraiment très chaud. J’aviserai en arrivant au prochain ravitaillement. Brice est encore en très bonne forme.

Mais arrivée à Cormet à 22 h, j’ai un gros gros coup de moins bien, il fallait bien que ça arrive. On a fait 67 kms, grimpé presque 4000 mètres, ce n’est pas illogique. Et heureusement j’ai suffisamment de lucidité pour le savoir et ne pas m’apitoyer sur mon sort. J’essaie néanmoins de trouver un endroit pour m’allonger mais il n’y a pas de place. Je voudrais juste dormir 10 mn, impossible. C’est le seul point négatif de cette course, à aucun endroit il n’y a de places pour dormir quelques minutes. Cormet c’est juste… dégoutant… de la boue partout si on s’assoit c’est dans l’eau ou dans la terre, mais pas grave à ce moment là je suis épuisée. Je claque des dents, je tremble tellement qu’une dame du PC médical s’approche de moi. Elle me pose plein de questions, j’ai du mal à la convaincre qu’en fait tout va bien, enfin… que ça pourrait être pire. Le haut parleur n’arrête pas de dire que le bus pour Chamonix n’est pas plein et que les personnes qui ne se sentent pas bien peuvent le prendre. Ce sont typiquement les situations que je déteste, je ne me sens pas bien, et je sais que le bus m’attend là à côté pour me ramener chez moi. C’est comme ça que j’avais craqué à Trient lors de ma première CCC. Je comprends le point de vue des organisateurs, ils préfèrent rapatrier quand c’est possible de le faire les coureurs en mauvaise forme, plutôt que d’aller les chercher une heure plus tard en pleine montagne.

Ravitaillement de Cormet

Mais encore une fois, même si physiquement j’accuse le coup, psychologiquement ça va, jamais la tentation d’abandonner ne prendra le dessus. Je me change, je mets des vêtements secs, je mange (je vais passer toute la course à manger de la soupe au vermicelle :-)), et on repart dans la nuit froide et sous la pluie !! Il pleut doucement au début mais ça va rapidement s’aggraver. Pour ne rien arranger la température chute et l’on se retrouve dans le brouillard, les frontales sont à la peine. On va passer toute la nuit dans ces conditions météo. En repartant du ravito, je perds Brice. Je le croyais devant mais il est en fait parti plus tard. On se retrouvera une heure plus tard en route pour le Col du Joly.

C’est difficile de se suivre. On ne connait jamais les mêmes moments de bien et de moins bien durant une course. Et si on s’attend à chaque fois, on cumule les points faibles de chacun. L’idée est donc de courir ensemble quand c’est possible, de laisser partir celui ou celle (souvent celui :-)) qui se sent bien et de se retrouver au ravito. Et quand on est bien tous les deux, on court ensemble. Ce qui est un gros plus, passer 31h seul durant une course c’est très dur.

Cormet de Roselend/Col du Joly, 19,2 kms, 1200 D+

Que dire ? C’est la nuit, il pleut et il fait très froid à l’arrivée au Col du Joly (altitude 2000m), et on patauge dans la gadoue, on glisse, on tombe, on se relève, on est trempés, que d’eau, que de froid, que de brouillard. Mais je crois que, même tout ça réuni, n’arrive pas à entamer ma bonne humeur, je suis contente d’être là, contente de faire cette course ! C’est incroyable. La certitude d’être en avance sur les barrières me rend euphorique, l’ivresse des sommets ? 🙂

Col du Joly

 

Derrière moi, un gars n’arrête pas de râler, jamais je n’aurais entendu quelqu’un râler autant. Pendant 2 heures je vais entendre tous les noms d’oiseaux possibles, à chaque glissade je l’entends hurler, au bout d’un moment ça m’amuse. Quand je ne l’entends plus, je m’inquiète, et hop un P… M…fait C…. sonore dans le noir, mais non il est toujours là !

 

 

 

 

On arrive à un ravitaillement « sauvage » en pleine nuit, un pickup avec de l’eau. Les bénévoles ont fait un feu pour se réchauffer, je fais l’erreur de m’approcher, m’en éloigner ensuite sera dur.

 

Durant la nuit, je vais avoir quelques hallucinations c’est bizarre, parfois j’ai l’impression de dormir en grimpant, tout à coup je ne suis plus où je suis, ni ce que je fais là, il me faut 30 secondes pour réaliser que je suis en train de courir la TDS, ça m’arrivera à 2 ou 3 reprises, c’est assez flippant en fait.

Col du Joly/Contamines, 10 kms de descente

Il pleut, ça glisse, de la boue partout, rien ne change, je ne sais plus combien de kilomètres on a parcouru dans la boue, sauf qu’il commence à faire jour, et que aux Contamines, Katia une amie nous attend avec Julien et Jade. Je pense à eux dans la descente, ils ont dû se lever super tôt pour être aux Contamines. Julien me dira ensuite qu’il n’a pas dormi de la nuit, il se réveillait toutes les 2 heures pour checker notre progression sur livetrail pour être certain de ne pas nous louper. La pluie s’arrête peu à peu, la bonne humeur revient, je positive à nouveau. On arrive aux Contamines à 7h30, dans nos prévisions on devait y être 2 heures plus tard.

Je suis tellement, tellement contente de les voir tous les trois, j’ai envie de leur faire des bisous, mais bon… on va dire poliment que je ne suis pas très propre… Brice souffre, il a des ampoules à chaque pied, les descentes deviennent difficiles, mais ça tombe bien puisqu’il reste encore une très grosse montée ! Le col du Tricot.

Une équipe de choc au ravitaillement des Contamines

Arrivés aux Contamines, nous avons fait 96 kms, il est 7h30, dans mon esprit à ce moment rien ne pourra nous arrêter, on finira, à cloche pied en cas d’entorse, mais on finira.

Je n’arrive plus à manger, je bois difficilement mais ce n’est pas grave, je prends le minimum, Brice fait soigner ses ampoules avant de repartir. Le problème sans vouloir rentrer des détails peu ragoûtants, c’est qu’il a omis de mettre des chaussettes propres dans le sac du ravitaillement. Donc remettre ses pieds plein d’éosine dans des chaussettes immondes pleines de boue… no comment.

Au bout d’un certain temps (plus que prévu), on repart.

Col du Tricot/Les Houches, 18,7 kms, 1200 D+

L’ascension du Col du Tricot sera longue et dure, on m’avait prévenu qu’elle serait redoutable, alors je m’efforce de ne pas regarder devant moi, je garde les yeux rivés au sol, les mains sur les genoux et je monte. Brice est devant. Un bénévole super gentil nous dit « vous avez de la chance, il y a du brouillard, on voit moins l’arrivée en haut du col ». Humour de bénévole, mais il a raison il n’y a rien de plus déprimant que de voir les coureurs qui serpentent jusqu’au sommet, ne pas les voir c’est un peu nier la difficulté.

Col de Tricot

S’en suit une descente très technique par endroit, dans ces cas là et à ce stade de la course, je m’assois et je glisse.

On arrive enfin aux Houches, et là… surprise !! Katia, Jadou et Julien nous attendent ! J’ai envie de pleurer de joie mais je me contente de rire, je suis tellement contente de les voir. Cerise sur le gâteau, je parle au téléphone à mon Elena qui a déjà repris les cours et qui ne peut pas être là, je suis tellement contente de l’entendre.

Les Houches/Chamonix

Il reste 8 kms mais pour moi la course est terminée, je suis prête à faire les 8 derniers au sprint pour arriver plus vite, on va encore gagner du temps, j’appelle les enfants pour leur dire qu’on sera à Chamonix 30 mn plus tôt que prévu, je pense qu’ils n’auraient pas aimer louper l’arrivée.

Vers la fin du parcours on a la joie de voir Antoine et Alain, qui seront sur la CCC le lendemain.

L’arrivée dans Chamonix, c’est juste du bonheur, c’est la magie des courses de l’UTMB, le coureur lambda est applaudi presque autant que le 1er.

L’arrivée à Chamonix

 

arrivée TDS

La première chose à laquelle je pense une fois franchie la ligne d’arrivée, au bout de 31h18 de course, c’est « allez, l’année prochaine on tente notre chance au tirage au sort pour les 170 kms de l’UTMB », je commence à me sentir prête !

J’ai A-DO-RE cette course !!

Et la dernière chose que je voudrais dire maintenant c’est un énorme merci à Katia, Jadou, Julien et Alain pour nous avoir aidés durant les ravitos, les voir durant cette course a été un moment fort à chaque fois, je ne suis pas certaine qu’on aurait gérer les moments de doute aussi bien si on avait pas eu l’assurance de ces petits moments de joie émaillés sur tout le parcours.

Et bravo à tous les copains/copines, Alain UTMB, Sophie et Xavier OCC, Julien MCC, Antoine et Alain CCC

 

 

 

2 réflexions sur « TDS »

  1. rrrrrah….énorme ce récit! Ca fait plaisir d’avoir plus de détails, de ressenti – et surtout de constater que plus les défis sont difficiles, mieux tu gères!!! Bravo bravo bravo!!! 🙂

  2. C’est du pur plaisir de lire ce récit ! Merci de nous faire vivre de l’intérieur la TDS ! Finalement à te lire, on n’a pas l’impression que c’est si terrible cela mais je sais bien qu’il en est tout autre ! Énorme admiration pour tous les 2 !

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