J’en parle depuis 2018 sur ce blog, et j’en souffre en fait depuis bien plus longtemps que ça. Ça reste un sujet un peu tabou, pourquoi ? Parce que ce n’est pas glamour de parler difficultés digestives, ballonnements, diarrhée, constipation, et autres ?
Après une quinzaine d’années d’errance médicale, des consultations par paquets, des fibroscopies, coloscopies, 4 passages aux urgences (décidées par les médecins), une quinzaine d’années de réelles souffrance, sporadiques au départ, quasi quotidiennes désormais.
Quand je parle de sortie du tunnel, ce n’est pas parce que je vais mieux, c’est parce qu’au bout d’une quinzaine d’années je commence à pouvoir mettre un nom sur ce mal. Et c’est déjà une grande victoire pour pouvoir avancer.
Je ne suis pas particulièrement « douillette » je supporte plutôt très bien la douleur. On a chacun nos seuils de tolérance vis à vis de la douleur, mais je pense pouvoir plutôt bien la supporter. En course on a forcément mal quelque part à un moment donné, et j’arrive à gérer la douleur, à penser à autre chose, à dévier vers des pensées positives.
Je n’ai jamais réussi à faire dévier mon cerveau de mes souffrances gastriques. La plupart des articles médicaux sur le sujet parlent de « gène occasionnée par la maladie » Une gène ? Un caillou dans la chaussure durant une course, c’est une gène, ne plus pouvoir manger, se tordre de douleur, ce n’est pas une gène, c’est une souffrance. Comment faire quand on vit avec la nausée la moitié du temps ? Quand on n’arrive pas à dormir parce que les intestins bossent sans jamais s’arrêter, à essayer d’assimiler un aliment qu’ils ne peuvent plus assimiler. Quand à la fin d’un repas, on est plié en deux de douleur, parce qu’un aliment, difficile de savoir lequel, est automatiquement rejeté ? La douleur est là, bien réelle, l’angoisse de la voir arriver encore plus. On n’est clairement pas dans le domaine de la gène.
Je vais passer outre les problèmes psychologiques que cela engendre. Finalement le médecin dont je parle ici n’avait peut-être pas tout à fait tort de parler de dépression, sauf que son diagnostic était totalement erroné, la dépression, c’est parfois la conséquence, en aucun cas la cause. Mais comme les médecins ne savent pas d’où le problème provient, on continue à lire partout que les facteurs psychologiques peuvent être la cause du problème, et en plus la maladie touche plus les femmes que les hommes, de là à parler systématiquement de problèmes psychologiques, il n’y a qu’un pas.
Aujourd’hui, je regarde avec suspicion tout ce qu’il y a dans mon assiette. Manger ailleurs que chez moi est difficile.
Et je ne parle pas des courses, les deux dernières années j’ai cumulé plus d’abandons qu’en 30 ans de sport, dus à l’impossibilité de m’alimenter, c’est la raison pour laquelle je ne publie plus grand chose sur ce blog, ce n’est pas marrant de parler d’abandon, j’aime bien parler de choses plus positives quand je fais référence au sport.
Alors quid aujourd’hui ? Ce n’est pas terminé, loin s’en faut, sauf que désormais au bout de moult consultations médicales, j’ai un début d’explication, et je peux commencer à gérer les crises avant qu’elles ne surviennent. Ça ne marche pas à tous les coups, il y a beaucoup de ratés, mais il y a un léger mieux, très léger pour l’instant.
Le syndrome de l’intestin irritable
C’est gentillet comme nom. Ça ferait presque sourire. Dans la réalité c’est usant. C’est une pathologie nouvelle, enfin de moins en moins nouvelle, mais à l’échelle de la médecine c’est nouveau. Il y a donc peu de praticiens compétents sur le sujet.
Alors c’est quoi concrètement ? Je ne suis pas médecin, mon explication sera succincte. Il s’agit la plupart du temps d’une grande perméabilité de la paroi intestinale, l’intestin devient poreux, sans doute également un déséquilibre de la flore intestinale, qui provoque une fermentation de certains aliments. Mais c’est vraiment le flou le plus total sur le sujet, de même que la cause du problème. J’ai eu il y a une quinzaine d’années, une grave intoxication alimentaire, cela pourrait venir de là. Honnêtement aujourd’hui je me fiche de savoir comment c’est venu, je veux juste m’en sortir.
Les conséquences, j’en ai parlé plus haut, des douleurs incessantes, l’impression d’avoir en permanence quelque chose « qui ne passe pas » dans les intestins. Des douleurs abdominales plus ou moins intenses, le ventre devient dur comme du béton, c’est visuellement assez impressionnant, et tout un tas d’autres symptômes tout aussi glamour. Dans le pire des cas, au bout d’un moment la douleur déclenche une migraine insoutenable et direction le médecin, et les urgences ensuite.
Pour ma pratique sportive, c’est devenu compliqué, beaucoup d’abandons liés à l’impossibilité de manger, de boire, et aux douleurs également. C’est difficile de courir pliée en deux. J’ai fait une croix sur 2 UTMB, une course au Templier, et quelques autres encore, sans parler de celles que j’ai réussies à faire mais dans un état catastrophique.
Aujourd’hui au bout d’une quinzaine d’années, j’arrive à peu près désormais à connaitre les (nombreux) aliments que je ne digère plus.
En premier, on va mettre les graisses cuites. Terminés les moelleux au chocolat, beurre, chocolat, oeuf, le mélange est redoutable. J’ai craqué il y a deux jours, j’ai été malade pendant les deux jours qui ont suivi. Terminées les raclettes, tartiflettes, frites, etc
Terminés tous les aliments gras en fait, la charcuterie, les chips, cacahuètes, et autres (bonnes) choses de l’apéro ! Ou alors à très petite dose.
Tous les aliments qui fermentent, en premier lieu les fameux Fodmap. Ce sont essentiellement des types de glucide contenus dans le blé, les fruits et légumes qui fermentent plus que les autres. Les fruits et les légumes à faible teneur en fructose sont bien tolérés, les légumes riche en amidon, comme la pomme de terre, également mais plus d’oignons, d’ails, de poireaux, de champignons, de petits pois, de chou-fleur, d’abricots, de pommes, de pêche, pastèque…. la liste est longue.
Le lactose et le gluten. J’ai mis deux semaines à me remettre de quatre jours passés en Italie, trop de pâtes, de pizza, de pain ….
Je peux manger à toute petite dose certains aliments figurant sur ce que j’appelle ma liste noire, mais je dois faire attention à ne pas les cumuler. Je pense qu’au fil du temps la situation s’est fortement dégradée. Il y a une quinzaine d’année, j’avais ce que j’appelle une ou deux crises par an, dont je mettais trois semaines à me remettre, désormais si je ne suis pas vigilante, la sanction est immédiate.
Alors la situation, vue comme ça, ne parait pas terrible. On peut se demander ce qu’il reste dans mon assiette ? Dans les faits, pas mal de choses quand même, j’arrive à peu près à m’en accommoder. Cela m’a pris du temps, désormais c’est presque un automatisme, à condition que je puisse manger chez moi. Et de temps en temps je fais des écarts, que je regrette quelques heures après. Je ne mange quasiment plus aucun aliment transformé. Je ne mange plus de sucre ajouté, mon dernier paquet de sucre acheté doit dater d’il y a deux ans.
Et surtout, il est possible de « remplacer » certains aliments de la liste noire. Par exemple, le pain. Je ne mange plus de pain blanc, mais je fais mon pain sans farine de blé, et il est très bon. Je ne mets plus de farine de blé dans les crêpes non plus, mais je mange très souvent des crêpes. Idem pour les gâteaux.
En fait, je ne me prive de quasiment rien, j’ai juste appris au fil de temps à cuisiner différemment.
J’arrive même à positiver sur le sujet, il est beaucoup plus facile pour moi de me « priver » de certains aliments, sachant qu’ils vont me rendre malade.
J’ai pour l’instant abandonner l’idée de faire des courses qui durent plus de 10 ou 12 heures, parce que au delà je ne peux plus gérer convenablement mon alimentation, et ça produit des catastrophes comme sur l’UTMB.
Je me fais quand même plaisir avec quelques belles courses, mais plus courtes. Je ne désespère pas de revenir sur ces longs formats, quand je serai certaine de pouvoir les gérer convenablement.
Les deux semaines avant une course, je m’astreint à un régime hyper strict, je bannis tous les aliments nocifs pour moi, pas d’alcool, pour arriver en forme le jour J. Et durant la course, je n’emporte que des aliments que j’ai cuisinés moi-même, je commence à avoir quelques bonnes recettes. Sur les ravitos c’est très compliqué car souvent il n’y a pas grand chose. j’évite toutes les boissons gazeuses, les cacahuètes, la charcuterie, j’essaie de manger du pain d’épice quand il y en a, du fromage (il y en a rarement), des fruits secs. Ça a payé sur ma dernière course au pays Basque.