La Maxi Race D’Annecy

Quasiment deux mois après le fiasco de l’UTMB et mon séjour à l’hôpital, nous voilà embarqués avec mon mari et mon fils dans la Maxi Race, 82 kms et 5000 mètres de dénivelé.

Je me suis un peu inscrite sur un coup de tête, physiquement je pense avoir récupéré depuis deux mois, mais psychologiquement la perspective de passer une nuit dehors à courir ne m’enthousiasme pas. Mon UTMB a été tellement cauchemardesque que je ne peux pas partir en me disant que tout va bien se passer.

Physiquement, mis à part ma main gauche toujours pas en état de fonctionner normalement, et ma tendinite qui ne me lâche pas depuis quelques mois, tout allait plutôt bien. Alors pourquoi pas.

Le départ a lieu à minuit sur la plage d’Albigny et s’étale par vague, minuit c’est pour les meilleurs. Notre fils Julien part en vague 2 et nous 5.

Maxi Race – départ

D’Annecy au Semnoz, 17,5 kms, 1360 mètres D+

Dès les premiers kilomètres au bord du lac, mon tendon me fait souffrir, la douleur s’étend dans tout le mollet. Je réfléchis, je me laisse les 3 ou 4 kilomètres jusqu’à la montée du Semnoz pour décider si je continue ou si j’arrête. Arrêter un ultra 3 kms après le départ serait une grande première, mais 2021 sera une année à oublier pour moi, alors je me dis que c’est dans la juste continuité des choses. Je ne pars réellement pas avec un mental gagnant… Nous ne sommes pas gênés par les coureurs autour du lac, il y a de la place pour tout le monde. Le parcours est plutôt bien fait, la course peut s’étirer avant la montée.

Au bout de quelques kilomètres on attaque la montée au Semnoz, je décide de poursuivre jusqu’en haut. La montée est longue, il y a quand même 1300 mètres de dénivelé. Elle est plutôt régulière, pas technique, on peut même courir par endroit. Les chemins sont plutôt larges. Si le combo mollet/tendon tient jusqu’en haut alors il tiendra jusqu’au bout.

J’ai fait le choix de partir en short et en tee shirt. Ce choix, assez audacieux, me paraissait le meilleur pour la journée de samedi. La nuit en revanche a été très très froide…. et la journée du samedi pluvieuse.

Arrivée au sommet du Semnoz, le vent est glacial, il doit être 3 ou 4 heures du matin, ça souffle fort je n’ai jamais eu aussi froid. Le ravitaillement est couvert, heureusement, il y a de la place. Je m’alimente rapidement, une soupe chaude, du jambon et du fromage, je mets ma goretex et des gants et je repars. Je claque des dents, je me dis que je dois avoir les genoux qui s’entrechoquent, le short par zéro degré c’est un concept. Cela a au moins eu le mérite de me faire accélérer.

Du Semnoz à Doussard, 26,5 kms, 1120 mètres D+

On a 26 kms à faire sans ravito solide. Le début de la descente vers Saint Eustache est sans difficulté, il faut juste faire attention parce qu’il fait nuit. La dernière descente vers Les Maisons en revanche est compliquée. Très technique, glissante, depuis quelques temps il pleut. Terriblement cassante, elle demande une vigilance permanente et l’aide des bâtons !

Le petit bonus arrive vite après, 5 kms de route avant d’arriver à Doussard. 5kms de route durant lesquels on voit un petit point au loin, très loin, la tente du ravito. C’est à ce moment là qu’il faut courir, parce qu’en marchant il faut plus d’une heure pour franchir la distance. Heureusement il fait frais alors je cours, beaucoup de gens marchent. Courir 5 kms à priori ça va, mais courir 5 kms sur du plat après avoir fait 45 kms et s’être massacré les quadris dans une descente difficile, c’est un peu plus compliqué 🙂

Le ravito de Doussard est enfin là. 50 kms c’est toujours le moment où plus rien ne passe, ni solide, ni liquide, je me force à manger, tout me dégoute, alors je reste sur le jambon et le fromage. Je recharge en eau et je repars toujours en short et en tee shirt sous la pluie. Je regarde, amusée, tous les coureurs autour de moi, emmitouflés dans leur collant, leur veste à capuche, avec leur gants, leur bonnet, et je me dis que l’automne est la saison où je ne suis jamais habillée comme tout le monde 🙂

De Doussard jusqu’à Villard Dessus, 22,5 kms, 1660 mètres D+ (Plus un bonus de 5 kms)

Il doit être environ 9h30 du matin, il fait froid, il pleut, et on se dirige vers la montée du Col de la Forclaz. C’est le côté du lac que je connais le mieux, c’est aussi le côté du lac où on va avoir les plus jolies vues. Mais c’est aussi la moitié de la course la plus difficile.

J’ai bien aimé la montée au Col. Elle est assez régulière, ça grimpe bien sûr, 1400 mètres en 15 kms jusqu’au col des Nantets, mais je connais ce coin, et j’adore ce type de paysage. Je grimpe encore à peu près normalement sans avoir besoin de faire de pauses, mais je suis fatiguée, je subis la course depuis Doussard.

Arrivée au Col de la Forclaz on emprunte le chemin de randonnée des 7 fontaines, j’adore ce chemin, on le fait dès qu’on est en vacances à Annecy, je cours sans trop de difficulté. Le mollet ne me fait plus souffrir depuis longtemps, en revanche la douleur au tendon est toujours là et dérouler le pied est de plus en plus difficile.

J’ai eu quelques mauvaises surprises, des chemins très pentus alors que ceux que je pensais emprunter étaient beaucoup plus roulants.

Je connais bien le chemin de Montmin au chalet de l’Aulp, même si on n’est pas toujours passé par des endroits connus. Il fait un froid polaire, le vent glacial souffle jusqu’au Chalet d’Aulp. Je ne me couvre pas parce que je me dis que je serai protéger du vent dès que je tournerai le dos à cette montée.

Arrivée en haut on nous dit que les conditions météo sont trop mauvaises et qu’on ne montera pas tout en haut. En échange on nous offre 4 kms en plus. Sur le moment je suis contente, ça ne durera pas.

Parce que c’est la plus grosse arnaque de la course. Au lieu de 82 kms prévus ma montre affichera 89,5. Il y a peut-être eu un léger bug de ma montre, mais en tout cas on a fait de façon certaine 5 kms en plus. Et surtout, on a fait les 5000 mètres de dénivelé prévu, pas de rab sur le dénivelé donc. Pas grave, mais une mauvaise surprise quand même.

Les kilomètres qu’on nous a généreusement rajoutés, ne sont pas des kilomètres cadeau, la descente fait mal, très mal et elle est longue, très longue. Et arrivent les fameux 4 kms bonus, 5 en fait de plat, voire faux plat montant ou descendant, durant lesquels il vaut mieux ne pas s’éterniser sous peine de passer des heures dans ce secteur. Et c’est reparti pour 5 kms de course sur le plat…. c’est long 5 kms…..

C’est à ce moment là que j’entends dernière moi une voix masculine qui me dit « je peux vous doubler ou pas ? parce qu’avec les femmes aujourd’hui on ne sait plus quoi faire ».

Le jeune qui court à côté de moi me regarde interloqué, il se demande sans doute comment je vais réagir. Si j’avais été près du fossé j’aurais peut-être été tentée de faire basculer le comique du jour dans les fourrés, mais là je suis trop loin !

Le comique en question n’a pas dû être trop gêné par les femmes, nous n’étions que 57 à prendre le départ, sans doute pas plus de 45 à l’arrivée sur 900 coureurs, c’est bon, gros macho, t’avais de la place 🙂 J’avoue je suis un peu méchante là, je pense qu’il a juste voulu faire un petit trait d’humour 56ème degré, mais à ce moment de la course je suis assez peu réceptive !

Je ferme cette petite parenthèse en précisant que cela fait des années que je cours et je n’ai jamais eu le moindre problème à courir avec des hommes. Jamais la moindre remarque sexiste, jamais le moindre comportement déplacé, rien, absolument rien à signaler. Que du positif, des attentions gentilles, de l’entraide pour passer les portions difficiles, un reste de galanterie fort appréciable. On se laisse passer mutuellement quand on court plus vite que le coureur devant. Je cours avec mon mari et mon fils qui n’ont jamais eu le moindre problème à se faire doubler par une femme. Je rajouterai même que sur les ultras nous sommes tellement peu de femmes, que nous sommes toujours 2 fois plus applaudies que les hommes 🙂

Nous arrivons enfin à Planfait, l’air de décollage des parapentes, on doit être à peu près au kms 60, des personnes très sympathiques ont installé un bidon d’eau sur le parcours, je recharge rapidement et je descends vers Villars Dessus, la 3ème base de vie.

Il faut noter qu’il n’y a que 3 ravitos sur cette course, c’est extrêmement peu.

Arrivée à Villard Dessus, je suis exténuée. Il reste 16 kms. Ca va être compliqué, très compliqué. Un gars à côté de moi a dû voir mon air dépité, parce qu’il me dit « interdiction d’abandonner Villard Dessus ok ? c’est la fin maintenant ! »

Je ne pensais pas à l’abandon, je pensais juste qu’il allait me falloir des heures et des tonnes de courage pour boucler les 18 kms.

De Villard Dessus à Annecy, 16 kms, 820 mètres D+

Je repars, et la pluie redouble. Alors 500 mètres après le départ je me décide enfin à ressortir la goretex que j’avais rangé en boule dans mon sac en bas de la descente du Semnoz.

Les paysages sont magnifiques, les couleurs sublimes. Ça me redonne du courage.

Quelques kilomètres plus loin, surprise ! Corinne, Natalia et mon fils Julien m’attendent ! Ce qui veut dire que Julien a fini sa course !!! 4h avant moi 🙂

Autant dire que pour son premier ultra il a fait une course STRATOSPHERIQUE ! Je ne suis pas surprise, j’apprends que Brice mon mari est en train de monter la côte que je m’apprête à grimper, ça me rebooste. Mes 3 dernières courses ont été tellement pourries que je pensais qu’il était beaucoup plus loin devant. Je me dis que finalement je ne suis pas en train de faire une course si nulle que ça.

Mont Veyrier

Mais même reboostée, la dernière montée va être un chemin de croix. Il reste environ 16 kilomètres, 16 kilomètres interminables. Je ne suis clairement pas assez entrainée. Les côtes se succèdent, à chaque fois on pense que c’est la dernière mais il y en a encore une. Dans la forêt du Mont Veyrier qui longe Annecy je suis limite de m’assoir et pleurer. On s’approche du lac je me dis c’est enfin la fin, je veux y croire, mais non, on remonte.

Il a fallu ressortir la frontale, il commence à faire nuit, j’avais espéré une arrivée vers 19h.

Pour la première fois de ma vie, je vais être agressive avec une bénévole. Une nana super gentille qui passe sa nuit à aiguiller les coureurs dans le noir et la pluie. Elle me dit « allez c’est la dernière, après c’est Annecy » sauf que ça fait déjà 10 fois qu’on me dit « c’est la dernière », alors je la regarde et pas du tout gentiment je lui réponds « c’est dingue mais là j’y crois plus du tout, ça fait juste 10 fois qu’on me dit que c’est la dernière ».

Quelques mètres plus loin je m’en veux terriblement, j’ai envie de faire demi tour pour m’excuser, mais même 50 mètres de plus c’est plus que je ne peux en supporter, alors j’entre dans Annecy, je passe la passerelle installée pour traverser la route, et je passe enfin l’arche.

En résumé, une première moitié facile, une deuxième difficile avec beaucoup de portions où il faut courir sur du plat (généralement en trail on court dans les descentes), et des descentes très cassantes, de la pluie toute la journée mais ça ne m’a pas dérangée, des paysages splendides aux couleurs automnales flamboyantes. Des gens tellement gentils tout le long du parcours, un manque d’entrainement certain qui a fait que j’ai beaucoup souffert par endroit, très peu de ravitos où se poser, mais l’immense satisfaction quand même d’être allée au bout.

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