Transaubrac 108 kms

108 kms et 3660 mètres D+

 

Je suis allée au bout, avec énormément de mal mais je suis allée au bout. J’ai commis beaucoup d’erreurs, et j’ai eu de la chance finalement de pouvoir franchir la ligne d’arrivée.

Je tiens à préciser que l’organisation était parfaite, les bénévoles comme d’habitude hyper gentils. Tout était au top. Mais voilà, parfois rien ne se passe comme prévu.

Déjà je pense que je suis la honte du sud 🙂 Je n’arrive pas à gérer la chaleur, dès qu’il fait plus de 24° je commence à rentrer dans le rouge. Alors quand on dépasse les 26° je suis en surchauffe totale. Et je n’arrive pas à gérer, j’ai beau faire tout ce que je peux je me vide littéralement de mon eau, il faudrait que je boive des quantités astronomiques d’eau pour compenser tout ce que je perds.

Et puis bizarrement parce que ça ne me ressemble pas, je suis partie la fleur au fusil. Comme si 105 kms ça pouvait être facile. Du coup j’ai pris une grosse claque. La course annonçait 105 kms, elle en faisait quasiment 108 (3 kms de plus au bout de 18 heures d’effort, c’est 1,5 heures d’effort en plus si ça monte), pour 3600 mètres D+, soit 2500 mètres de dénivelé de moins que la CCC. J’ai beaucoup plus souffert que pour la CCC. J’avais quand même regardé les stats des éditions précédentes, et j’avais vu qu’il y avait 30% d’abandon, c’est énorme, beaucoup plus que sur les courses de l’UTMB, mais je ne comprenais pas pourquoi.

En fait le terrain n’est pas vraiment propice à la course, beaucoup de boue, énormément de marécages. Je ne comprenais pas non plus pourquoi la moitié des coureurs avaient des bâtons, pourquoi les coureurs avaient-ils des gants aussi, alors qu’il allait faire plus de 25°?

La réponse est très vite venue, les bâtons c’est pour ne pas tomber dans les kilomètres interminables de boue (j’ai réussi à mettre la jambe droite dans la boue jusqu’au genou), et de marécages, de ruisseaux à traverser (un gars devant moi a glissé dans l’eau et est tombé la tête sur les pierres). A ce moment là de la course je tente encore vainement de contourner la boue.

Et les gants alors ? C’est pour s’accrocher aux ronces quand on est dans une descente bien raide, boueuse, une patinoire en fait et qu’on a 2 solutions pour s’en sortir, s’accrocher aux barbelés sur la droite, ou aux ronces sur la gauche. Pour une fois j’ai fait le bon choix, les ronces, et je m’en tire avec des échardes plein les doigts et des griffures sur le bras, ça va.

Levés à 2h45 du matin pour prendre la navette une heure plus tard. Début de la course à 6 heures du matin. On se rend compte sur le parking avec Brice en attendant la navette qu’on a oublié le câble pour recharger les montres. Je suis donc partie à l’aveugle sans GPS, une première. Les 25 premiers kilomètres se sont bien passés, des paysages grandioses, des châteaux, des monastères, des vaches, des taureaux. Costauds les taureaux de l’Aubrac 🙂

On passe le 1er ravito avec Brice à 9h15 on est large dans les temps, on a fait 25 kms. Le prochain ravitaillement est 30 kms plus loin, et je vais commettre ma 1ère erreur, enfin la 2ème si je compte l’oubli du câble pour la montre. Je pars avec 1,5 L d’eau.  Le prochain ravitaillement est 30 kms, il y a au moins 5 heures de course. Au bout de 3 heures je n’ai quasiment plus d’eau. Il fait très chaud, il est midi, et je suis en manque d’eau. A ce moment là j’atteins ma dose maximale de stress, J’arrive à tenir 5 ou 6 kms en me rationnant le plus possible, et j’en prends dans une cascade (ce qui m’avait rendu malade durant ma 1ère CCC). Quelques kilomètres plus loin, un bénévole me dit qu’il y a un point d’eau dans 2 kilomètres, j’engloutis en 2 secondes le peu d’eau qu’il me reste, depuis le temps que j’en rêvais. En fait le point d’eau ne sera pas à 2 kms mais à 8 kilomètres, et c’est parti pour 8 kilomètres supplémentaires sans eau. Quand j’arrive au point d’eau, je n’ai plus de force. J’arrive à me trainer jusqu’à Laguiole, au kms 55, et là je sais que je vais enlever mon dossard. Et je tombe sur Brice qui est arrivé 30 mn plus tôt et qui m’attend ! J’ai mauvaise conscience de l’avoir fait attendre pour rien ! Je lui dis de repartir, qu’il faut que je prenne des forces, je mange un peu, je prends mon temps et finalement je repars en me disant que j’aviserai 22 kms plus loin.

Au kilomètre 77, c’est le fameux ravitaillement tenu par un chef étoilé, mais je vais payer cher mon manque d’eau. S’alimenter et s’hydrater correctement c’est la base. Je commence à avoir de gros problèmes gastriques, je n’avance plus du tout, et quand j’arrive enfin au ravito, je ne peux pas m’arrêter, je n’ai plus de temps. Toute mon avance a fondu comme la neige sous le soleil de l’Aubrac… A ce moment là de la course, je ne réfléchis plus, je recharge en eau et je repars directement, tant pis pour les mets délicieux qui s’étalent devant moi, de toute façon j’ai tellement mal au ventre que ça ne me fait même pas envie (et pourtant rien que de regarder les photos aujourd’hui, j’ai envie d’y retourner).
J’ai quand même dû reprendre un peu de force car j’arrive avec de l’avance au point de contrôle du kilomètre 87, je commence à reprendre un peu confiance.

Depuis quelques kilomètres j’ai deux énormes ampoules, une sous chaque pied. A force d’avoir les pieds dans l’eau, la peau se ramollit et les ampoules se forment. Je ne peux pas m’arrêter, il fait nuit je n’ai pas de chaussettes de rechange et je sais que si j’enlève mes chaussures, ce sera trop douloureux de les remettre. Mais bon, au bout d’un moment la douleur passe.

Et là je vais me retrouver pendant 10 kms seule dans les bois, il est 23 heures, je suis sur un sentier hyper étroit, à droite c’est le vide, en bas la rivière. J’ai un peu l’impression de vivre un cauchemar éveillée, j’ai la trouille !! Devant moi pas de lumière, derrière moi rien non plus, je suis toute seule. Un seul objectif : ne pas tomber dans cette boue qui n’en finit jamais. Ça fait des kilomètres que je n’essaie plus de l’éviter, je passe tout droit, je m’enfonce, je glisse mais je trace tout droit. Mon téléphone n’a plus de batterie. Je me dis, si je glisse, personne ne saura jamais que je suis tombée dans ce trou, triste fin, autant dire que je suis ultra positive.

Franchement psychologiquement à ce moment là de la course, je pense que je touche le fond. Et tout à coup, miracle, je vois une lumière au loin, j’accélère et je rattrape un gars. J’aurais dû me douter que si je rattrapais ce gars c’est qu’il était cuit. Il n’avance plus, alors je repars toute seule. Depuis le ravito du chef, j’ai mis ma montre en marche, le prochain point de contrôle est à 00h30, je me rends compte très vite que pour moi ça commence à sentir le roussi. Une fois sortie de la mélasse boueuse du bois je me lance alors dans une course effrénée contre la montre. Alors que je rêvais depuis des kilomètres d’abandonner, tout à coup j’ai un sursaut de fierté et je me dis que je ne peux pas me faire sortir au km 97, je vais sprinter pendant 5 kms, et je passe le point de contrôle à 00h28, dans les dernières, 2 mn avant la barrière horaire. Ouf, c’est fait je vais franchir la ligne d’arrivée !! On est tout un groupe, on est super content, on a l’impression d’avoir accompli un truc de dingue… on est juste dans les 30 derniers de la course…

Mais mon chemin de croix n’est pas fini pour autant, alors que je prends tout mon temps et que je savoure enfin le bonheur d’être là, on plaisante, on rigole (au bout de 17 h de course il était temps !!), un gars passer en trombe et crie à la cantonade, « dépêchez vous ils ont rajouté un point de contrôle, ils ferment l’arrivée à 2 h du matin ». Un pauvre gars à côté de moi est sur le point de s’effondrer. Je tente de le rassurer, en lui disant que c’est impossible, qu’ils disent ça pour ne pas qu’on s’éternise dans le bois (on est tellement bien dans ces forêts la nuit qu’on aurait envie d’y passer le plus de temps possible), mais néanmoins dans le doute, je vais piquer un deuxième sprint.

J’atteins enfin des maisons, signe que j’arrive enfin ! J’ai encore envie de pleurer, mais non, il faut arriver avec le plus de dignité et de panache possible. J’arrive un peu avant 2 heures du matin, 19h49 de course ou de nage dans les marécages, ou de thalassothérapie dans la boue je ne sais plus trop. Brice est là depuis 45 minutes, il m’attend.

C’est enfin fini !

Alors maintenant je vais passer aux côtés positifs de cette course, et il y en a eu. Déjà je tiens à dire que si j’ai raté cette course, c’est entièrement de ma faute. J’ai fait des erreurs que j’ai payées très cher. Il y a une leçon à tirer de tout ça, c’est que les 2 fois où je me suis retrouvée au pied du mur (soit t’accélères, soit tu sors), j’ai pu accélérer, je pouvais donc avancer, tout se passe dans la tête. Et c’est à peu près le seul point de fierté que je retire de cette course, j’ai été mauvaise, mais malgré tout j’ai réussi à avancer, je n’ai pas lâché. Alors certains pourront dire « à quoi bon persister si on y prend aussi peu de plaisir ? » Je ne sais pas, je n’ai pas de réponse à cette question. C’est une question de principe je pense, à partir du moment où je m’engage à faire quelque chose, que je sois contente de le faire ou pas, je n’abandonne pas tant que je n’ai pas une vraie bonne raison de le faire.

Les paysages étaient grandioses, c’est clairement l’une des plus belles régions que j’ai traversée. Et j’en ai malgré tout quand même profité.

J’ai couru avec des gens adorables. Le trophée de l’homme le plus gentil de la course revient à un accompagnateur qui ravitaillait sa femme qui courait. Sa femme n’a pas fini la course, et c’est vraiment dommage parce qu’elle courait très bien, mais elle a craqué et je suis très déçue pour elle. Ce couple était adorable, autant elle que lui. A chaque fois j’arrivais un peu après ou un peu avant sa femme, il m’encourageait. Ce gars était absolument adorable, il en a fait des kilomètres pour sa femme, il lui apportait un petite chaise pour qu’elle se repose, des fraises aussi, il a traversé des champs de marécage pour la retrouver, des champs de boue, rien ne l’arrêtait !

J’ai couru avec des gars tellement gentils (des filles aussi, mais on est que 16 filles à avoir fini la course, donc mathématiquement au bout d’un moment je n’en croisais plus beaucoup !), qui me prêtaient leur bâton pour que je puisse traverser les ruisseaux sans glisser, qui m’encourageaient, à la fin on était un petit groupe très sympa, ce qui m’a permis de finir les derniers kilomètres avec le sourire et dans la bonne humeur.

Mention particulière pour Gabriel, qui venait du Guatemala !! Et qui s’enthousiasmait sur tout ce qu’il voyait, il a fait les 108 kms avec le sourire. Un bonheur de le croiser à chaque fois.

Bravo à Brice et à Alain qui ont tous les deux fait une très belle course. Comme d’habitude c’est Brice qui a pris toutes ses belles photos, j’aime particulièrement le taureau. Toutes les photos sont ici.

Et pour finir quelques chiffres, 400 inscrits, 375 au départ, 250 à l’arrivée (30% d’abandons), 28 femmes au départ, 16 à l’arrivée. 42 % d’abandons chez les femmes, serions nous moins résistantes que les hommes ? 🙂

 

 

2 réflexions sur « Transaubrac 108 kms »

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